Conférence de Jeanine Solotareff /  28 Avril 2007 
            « Les difficultés de l’ éducation /  Comment accompagner l’enfant dans le  développement de ses potentialités »
Je vais aborder le problème de l’éducation sous l’angle de la méthode de Paul Diel, qui est fondée sur l’introspection. C’est toujours par introspection que nous comprenons les autres. C’est un phénomène naturel, que nous pratiquons tous, mais de façon plus ou moins saine ou malsaine.
L’éducation est le travail le plus difficile qui existe. Nous faisons tous des erreurs éducatives, ce qui n’empêche pas, heureusement, la plupart des enfants de se développer. Nos enfants devenus parents prennent le contrepied de nos erreurs…mais ils en font d’autres. Mais mieux connaître les lois du fonctionnement psychique permet d’éviter certaines erreurs.
La première chose est de se rendre compte de la merveille qu’est un enfant –qu’est un être humain en général- Il possède de grandes potentialités. Il faut au moins vingt ans pour l’éduquer.
L’amour : 
			  La base de l’éducation est l’amour pour l’enfant. Mais à  condition de ne pas confondre l’amour vrai, éducatif, avec la sentimentalité  qui est un amour excessif par lequel on surprotège l’enfant, l’empêchant de  faire les expériences qui lui sont nécessaires pour apprendre à faire le lien  entre ses erreurs et leurs conséquences, ce qui est une condition d’évolution.
C’est la base de l’éducation, mais aussi de  l’auto-éducation. On ne peut pas éduquer un enfant sans s’auto-éduquer. Cela  devrait être une évidence (on ne peut pas imposer à un enfant de faire ce que  soi-même on ne fait pas). Trop souvent, sous prétexte que nous sommes adulte et  que nous considérons notre vie comme beaucoup plus difficile que celle d’un  enfant, nous nous accordons le droit de ne pas assumer nous-même  ce que nous proposons à l’enfant. Aux yeux de  beaucoup de parents, l’enfant a une vie paradisiaque, il est protégé, aimé,  nourri…C’est méconnaître le fait que l’enfant connaît lui-aussi des  difficultés, proportionnelles à son âge. 
			  Ainsi, par exemple, pour un enfant de 3 ou 4 ans, devoir  arrêter immédiatement son jeu pour venir quand on l’appelle est difficile. Nous  l’exigeons de lui, oubliant que même pour un adulte ce n’est pas si facile  d’arrêter immédiatement une activité en cours ! 
			  L’enfant ne vit pas le temps   de la même façon que nous.
La patience :
			  La situation éducative demande d’exercer sa patience, qui  est une forme d’amour. C’est la qualité fondamentale de la vie, puisque rien ne  se fait sans le temps. 
			  La disponibilité est un autre aspect de la patience et c’est  une manifestation d’amour. Il s’agit de prendre le temps d’écouter l’enfant,  d’écouter ce qu’il a besoin de raconter. Il osera alors   parler de ce qui se passe en lui. 
La confiance :
			  C’est aussi une manifestation d’amour. Avoir confiance dans  le fait que cet être humain en formation va pouvoir se développer avec son élan  toute sa vie, même si ce doit être avec des hauts et des bas. 
		    La confiance consiste à comprendre qu’on peut évoluer à  partir des erreurs que l’on fait, que l’enfant fait. 
La compréhension :
			  Nous avons tendance à projeter sur l’enfant nos conceptions  d’adulte. Il faudrait arriver à se mettre à la place de l’enfant, il ne voit  pas les choses comme nous. Il a le temps. Il découvre le monde et s’émerveille.  A 18-24 mois,  il s’arrête à chaque  caillou. Puis c’est l’âge des « pourquoi ? ». Souvent les parents ne  prennent pas le temps de répondre, ce qui bloque son besoin de compréhension.
LES DANGERS EDUCATIFS
Le  danger de la  « tâche exaltée » éducative :
			  L’un des dangers les plus importants dans l’éducation est ce  que Diel appelle la « tâche exaltée » d’éducation chez les parents,  par laquelle les parents se proposent de faire de leurs enfants des êtres  extraordinaires, même si ce n’est pas consciemment. Soit ils ont  l’espoir de voir l’enfant réaliser ce qu’ils  n’ont pas pu réaliser et dont ils n’ont pas surmonté la souffrance. Ils le  projettent sur l’enfant.  Soit ils  ont  bien réussi socialement et ils  exigent de leur enfant de réussir au moins aussi bien. 
			  Cette imposition malmène l’élan de l’enfant, qui est écrasé  par la tâche exaltée des parents. On lui impose ce qu’il n’a pas envie d’être  et qu’il ne peut pas être. 
			  Cette tendance peut s’exprimer par des jugements très  dévalorisants à son encontre ( Tu es idiot, tu as « encore » eu  une mauvaise note…), dont les parents ne perçoivent pas le danger (« Il  sait très bien que je ne le pense pas vraiment », dit-on pour se  justifier) alors que l’enfant peut réellement être écrasé. On bloque ses désirs  à force de lui imposer les nôtres.  Soit  il se soumet à ces exigences excessives, soit il se révolte.
La déception et l’irritation
Elle est une conséquence de la tâche exaltée d’éducation : l’enfant déçoit les parents par rapport à ce qu’ils avaient espéré. C’est lourd pour l’enfant de sentir cette déception, car il a un besoin fondamental d’ estime, l’estime étant une forme d’amour. Il a besoin de sentir que l’estime ne lui est pas retirée même quand on le réprimande à juste titre. C’est ce qui lui permettra de reconnaître et d’accepter ses erreurs réelles.
C’est par le ton de la voix que s’expriment la déception,  l’irritation, l’accusation, la plainte. C’est un danger pour l’éducation mais  aussi pour la vie de couple car cela détruit l’entente.
			  Il est possible de devenir conscient du ton de sa voix, ce  qui permet de rectifier le tir ! C’est- -à dire de diminuer l’inculpation  de l’enfant, exprimée par la plainte des parents. 
« Il m’énerve » est une phrase fréquemment entendue à propos d’un enfant, comme si c’était un fait objectif et immuable, comme s’il y avait une raison justifiant l’énervement. Quel que soit le comportement de l’enfant, si les parents s’énervent c’est leur responsabilité à eux. Bien sûr nous ne sommes pas des saints. Mais le problème est que nous nous justifions de cette irritation au lieu de la diminuer. Il s’ensuit une « intrication » : un processus de provocations mutuelles.
Quand un enfant désobéit, il faut se demander pourquoi : dans le psychisme, tout a une cause. On peut déjà commencer par se demander : est-ce que je lui ai demandé d’obéir en lui parlant avec irritation ? Est-ce que j’ai été moralisant ? (Une des définitions possibles du moralisme, c’est la proposition de changer le comportement extérieur sans en changer les raisons profondes.) Un ton de voix moralisant ou agressif incite l’enfant à répondre par la désobéissance.
Le danger du laxisme :
			  C’est le contraire même de l’éducation : laisser  l’enfant faire tout ce dont il a envie, ne lui imposer aucune discipline. Or,  l’enfant a besoin de se former à une discipline, car devenu adulte il aura à se  discipliner lui-même. Beaucoup de parents n’osent pas s’opposer à certains  excès quand ces excès sont admis par les familles des autres enfants. Il est  difficile de s’opposer à ce qui est admis, les parents  « démissionnent » alors face à la pression des conventions, par  angoisse de l’opinion des autres et de leur propre enfant. 
			  Il ne faut pas avoir peur d’imposer des limites (en  expliquant les raisons). Même si l’enfant se rebiffe, son élan (son moi  profond) est satisfait car il en pressent la juste nécessité.   
			  Si l’ambiance familiale est chaleureuse et compréhensive,  l’enfant l’acceptera. 
Il est difficile pour les enfants, pour les jeunes, d’éviter de tomber dans certaines faiblesses car ils ressentent le besoin d’être en accord avec leurs camarades. Le seul moyen de les en prémunir, c’est de ne pas tomber dans le laxisme et d’avoir établi un lien avec eux par la disponibilité qu’on aura développée. Si le jeune arrive à parler de lui-même, de ses problèmes, grâce à ce lien maintenu, on aura les meilleures chances de pouvoir lui expliquer en quoi certaines pratiques sont des dangers, sans qu’il se sente dévalorisé pour ses erreurs. Si malgré tout il tombe dans certains dangers, que les parents (sans pour autant le justifier) ne lui retirent pas leur amour, ce qui est le meilleur moyen de l’aider à en revenir, serait-ce un peu ou beaucoup tard.
LE DEVELOPPEMENT DES POTENTIALITES DE L’ENFANT
Le jeu et l’imagination : 
			  Le jeu a une fonction vitale pour l’enfant. Il lui permet de  développer le contact avec les autres et d’apprendre à vivre avec eux, de  développer son corps, sa perceptivité, son imagination puis son intellect.  L’imagination de l’enfant peut être saine ou malsaine. L’imagination saine est  celle qui le conduit à une activité, dans le jeu en particulier (jouer à faire  semblant…).  L’imagination dangereuse est  celle qui s’accompagne d’une inactivité, celle par exemple d’un enfant de 7-8  ans qui rêvasse en suçant son pouce.
			  L’imagination saine se développe en s’exerçant. A cet égard,  la télévision est nocive car elle propose des images toutes faites, de sorte  que l’enfant n’exerce plus véritablement son imagination. 
			  Une des potentialités de l’enfant est de développer sa  créativité. C’est une nécessité non seulement pour l’enfant mais aussi pour  l’adulte : pour trouver des solutions à nos problèmes, nous avons besoin  d’utiliser positivement notre imagination. Elle peut transfigurer la vie
			  Tous les enfants font des réflexions pleines de poésie, de  fantaisie, car ils font des relations entre les choses qui ne sont pas les  mêmes que les nôtres. Nous pouvons partir avec eux à la redécouverte de la vie,  vue d’une tout autre façon que comme une routine. 
La formation de l’intellect :
			  A partir de 6-7 ans, débute l’éducation de l’intellect.  L’enfant doit apprendre à accepter l’alternance entre jeu et travail scolaire,  entre contrainte et liberté. La contrainte peut être vécue le mieux possible  s’il a aussi des moments de liberté. 
			  L’enfant aime grandir, se développer. 
			  Quand il quitte le monde imaginaire de l’enfance, avec ses  histoires de monstres et de héros, pour arriver au monde de l’adulte, on peut  lui montrer qu’il peut retrouver cette poésie et cette fantaisie  dans le monde adulte, même si c’est bien sûr  d’une autre façon et  à un autre niveau.  Le monde adulte peut être vécu tout autrement que comme une routine. 
La déception et l’irritation
Elle consiste à apprendre à ne pas entrer continuellement  dans les fausses justifications, ce qui est notre premier mouvement :  plaintes, accusations, vexations, culpabilité excessive. Fausses justifications  que nous projetons sur l’enfant. L’enfant lui aussi quand il n’est pas content  de lui rejette la faute sur les autres ;   quand il est vexé de ce qu’il est, il   essaie de se replacer en position de supériorité. 
			  Il est possible de montrer ces erreurs à l’enfant, avec  gentillesse, en sachant que nous aussi avons ces mêmes tendances.
L’éducation de l’esprit
Diel fait une différence entre l’intellect et l’esprit. 
			  L’intellect est l’instrument psychique qui nous permet  d’agir sur le monde extérieur, puis de s’insérer professionnellement dans la  société et d’y jouer un rôle. 
			  L’esprit  est la  capacité de valoriser, c’est à dire d’attribuer une juste valeur à ce qu’on  fait, à ce qu’on veut faire. 
			  Même la fonction sociale et professionnelle ne peut pas être  assumée en s’appuyant uniquement sur l’intellect, si brillant soit-il. Un  diplômé peut être totalement inapte sur le plan de l’esprit, non seulement dans  sa vie familiale mais même professionnelle.
			  Pour valoriser de façon juste, il faut s’appuyer sur les  valeurs fondamentales de la vie, qui ne sont pas avant tout l’argent et la  situation sociale, mais : la vérité et l’amour. 
			  La vérité inclut la lucidité sur soi, la capacité de  reconnaître ses erreurs. C’est la condition pour pouvoir aimer : car si on  n’est pas lucide sur ses insuffisances, on les projette accusativement sur  l’autre. 
			  L’amour s’appuie aussi sur une lucidité sur l’autre, sans  quoi il n’est que sentimentalité et se renverse en rancœurs. 
			  Eduquer l’esprit, c’est donc initier l’enfant aux valeurs  fondamentales de vérité et d’amour. 
Elle est très liée à l’éducation de l’esprit. Les véritables  sentiments  envers autrui exigent de  surmonter « l’égocentrisme », mais il ne s’agit pas de proposer  « l’altruisme » au sens d’un amour de l’autre qui serait plus grand  que l’amour de soi. Ce ne serait que sentimentalité. 
  Le véritable amour des autres est lié à l’amour authentique  de soi, qui n’est pas l’égocentrisme (ne penser qu’à son « petit  moi » et à ses intérêts avides) mais que Diel appelle « l’égoïsme  conséquent » : l’amour de son moi supérieur, de son moi profond, la  réconciliation avec soi-même, l’acceptation de ses faiblesses. C’est la  condition pour aimer véritablement autrui. Nous sommes tous humains, c’est en  acceptant nos insuffisances qu’on peut accepter celles des autres et donc les  aimer vraiment .
		    Ces distinctions peuvent guider les explications qu’on donne  à l’enfant.
Dans la vie réelle, éducation de l’esprit, des sentiments, du caractère, ne sont pas séparables mais s’interpénètrent.
Il n’y a pas de   « truc » en éducation. Ce qui importe le plus c’est de  comprendre dans les grandes lignes les données du problème, et de montrer  soi-même l’exemple. Tout le monde le sait…mais autre chose est de le  vivre.  Il est tout à fait possible de  s’excuser, de  reconnaître face à  l’enfant, par exemple, qu’on s’est mis en colère de façon un peu exagérée. On  ne perdra pas en faisant cela son aura d’adulte. Au contraire, en se montrant  capable de reconnaître ses erreurs, on va apprendre à l’enfant qu’il est  possible de le faire. 
			  A condition de le vivre soi-même autant que faire se peut  (au lieu de projeter continuellement la faute sur les autres…), on  peut faire comprendre  à l’enfant que c’est lui qui  est responsable de ses états d’âme. Se sentir  responsable de son état intérieur est difficile à admettre mais c’est la  solution pour se libérer de ses états pénibles. 
		    Le sens de la vie est de surmonter ce qui nous arrive au  lieu de se dire que c’est injuste. Il est possible de transformer les  difficultés rencontrées en un sentiment de liberté, de relative  indépendance  à l’égard de ce qui nous  arrive. Il est toujours possible, même si c’est difficile, d’accepter la  situation (ce qui n’est pas se résigner mais se réconcilier avec cette réalité,  en changeant ce qui peut l’être). 
Comment transmettrait-on cela aux enfants si on n’essaie pas  de le vivre soi-même ? 
			  Voir comment les parents « valorisent » c’est à  dire jugent ce qui arrive, c’est ce qui aidera l’enfant à s’exercer lui-même à  accepter ce qui lui arrive .On ne peut pas enseigner l’acceptation par des  paroles. 
 Jeanine Solotareff - présidente de 
            l'Association de Psychanalyse Introspective
 Jeanine Solotareff - présidente de 
            l'Association de Psychanalyse Introspective
			  
Conférence
			  
	          
		           « L'éducation et les difficultés éducatives   »
                 
présentée le Samedi 28 avril 2007
Salle MJC Chemin de Montigny à 'Herblay
		    		    
| Jeanine Solotareff, psychologue, spécialiste de Paul Diel,  dont elle fut la patiente puis l’élève quinze ans durant, est notamment  l’auteur, aux Éditions Payot, de L’Aventure intérieure et du Symbolisme  dans les rêves. | 
| Bibliographie : | ||
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